dans Chambord, une agriculture du XIIIe siècle à nos jours.

Dans Chambord, l'oeil est souvent attiré par des buissons d'épineux. Ce sont les descendants redevenus sauvages des pommiers et autres fruitiers qui constituaient les vergers. La présence d'une mare est quasi systématique. Orties et ronces sont partout. En général l'établissement agricole est proche : il est appelé "métairie" (cartes anciennes et archives). Ces métairies se manifestent aujourd'hui pas des amas ou des épandages de pierres, tuiles, briques, quelques fragments de poterie. Les briques sont sans cartouche ; les tuiles sont plates, à crochet. Le crochet est obtenu par torsion à la main de la pâte crue sur le bord supérieur.
Les sangliers séjournent volontiers dans ces anciens vergers où ils trouvent un couvert touffu et bas. Ils peuvent se livrer aux joies des bains de boue dans les mares et, luttant contre l'enfouissement naturel, retournent et poussent devant eux les tuiles, briques, pierres et autres. Ce perpétuel déménagement enrichit les creux (fossés, mares et dépressions) avec le matériel subsistant, au détriment des bosses et des surfaces planes.
Les amas perdent progressivement leur épaisseur au bénéfice des épandages sur de plus grandes surfaces.

Les restes de ces métairies, certaines détruites depuis des siècles, ont perdu leurs noms depuis longtemps. Même si des cartes ou des archives les mentionnent, plus personne ne sait à quoi ils correspondent sur le terrain.

A. Pruhomme (Les paysans de Chambord) explique les raisons et donne les dates des disparitions de ces métairies. C'est le regard de l'historien à travers les archives qu'il dépouille. Par exemple, il date de 1806 la disparition du "Bout des Chênes". Le plan qui peut en rendre compte, de 1810, indique pour ce lieu-dit, 2 bâtiments, avec la mention "supprimé". Si l'on regarde maintenant le plan de 1600 (peint, d'ou le nom "tableau" ; plan fort peu exploité) on se rend compte que "Le Bout des Chênes" est un véritable village, comportant 8 métairies. La date de 1806 ne peut, au mieux, que situer la disparition des 2 dernières.
L'accès au terrain s' accompagne d'une problématique en trois points : établir la correspondance des restes connus avec le plan ; retrouver ce que montre le plan et qui n'est pas encore situé sur le terrain ; aller au delà des archives et des plans.


Le premier écueil concerne l'échelle. Même s'il s'agit d'une évidence, les maisons dessinées en vue cavalière occupent un espace trompeur, sur le tableau, sans rapport avec la réalité. Elles semblent serrées les unes vers les autres, alors que le groupe s'étire sur plus de 600 mètres.
La clé
fut, sur le plan de 1600 ces deux maisons perpendiculaires l'une à l'autre, et la serrure, sur le terrain (dans une prairie) deux petits amas apparemment perpendiculaires. Le reste du puzzle allait s'organiser autour de ce repère. Des épandages aux noms inconnus retrouvaient une identité.
Mieux, existent dans ce secteur, non pas 8, mais
10 épandages ou amas. Ce qui signifie qu'en 1600, Le Bout des Chênes avait déjà amorcé sa future disparition. Si les recherches de terrain ont leurs limites, l'exploitation des archives aussi. Mais quand ils s'épaulent mutuellement, ces deux types de travaux sont fortement porteurs de résultats.

A l'image du "Bout des Chênes", "Les Landes" devaient constituer un village presque aussi important : au moins 6 maisons, dont 2 seulement sont encore répertoriées en 1745.

Les noms de cantons forestiers - nous restons dans Chambord- sont assez souvent en rapport avec des noms de métairies : La Thibaudière, Le Verger, Les Hautes et Basses Tailles, etc. Un canton s'appelle "La Saint Michel". Les cartes anciennes n'y signalent aucun établissement. Pourtant on peut trouver dans ce canton une enceinte fossoyée (sur 3 côtés) enfermant un discret épandage dont des tessons de poteries sont datés fin XIVe- XVe siècles ; ainsi que d'autres restes (à 230 m des précédents) figurant assez bien une grange. Métairie disparue depuis des siècles, oubliée, ayant laissé son nom au canton ? Plus que probable.

zone forestière, aux limites imprécises, dont le nom témoigne de l'histoire du terroir

Même démarche : près de la chaussée d'un étang, un rond d'épineux sur une butte, un épandage discret entre les deux : des tessons datés de la fin XIVe au XVIe siècles. La liste des noms (A.N. Q1 302) primitivement associée au plan disparu de Chambord de 1676-1727 authentifie le site : "La Porte Haslé", métairie ruinée. La pièce d'eau est l'étang de La Porte Halay (carte du Ministère de l'Agriculture, 1970).

Autre aspect, des métairies ont disparu sans laisser d'autres traces qu'un épandage. Telle, la métairie des Isles, sur la rive sud du Cosson, dans l'axe d'un barrage qui coupait l'ancien val et constituait un étang sur la rivière. Les envoyés du roi Henri II y trouvaient "bonnes maisons". Seul le compte-rendu de la visite de 1547 pouvait redonner "aux Isles" son identité (tessons des XVe-XVIe siècles).

Enfin A. Prudhomme rappelle que "La Rue aux Daims" est attestée par des archives depuis 1252 ; la métairie a disparu en 1840.

Dans Chambord, il existe une continuité des exploitations agricoles depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours (deux fermes sont encore exploitées : L'Ormetrou et Le Pinay). Dans Boulogne, seule celle liée à l'existence passée du monastère s'est maintenue jusqu'à des années récentes.


Eléments de bibliographie :
L. Magiorani, Chambord (L.-et-C.), Visite des envoyés du roi Henri II, en 1547, sur ce site.
L. Magiorani, Histoire des métairies du Parc de Chambord, sur ce site.

 

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