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honorer les défunts, ... ou... |
Que ce soit dans la préhistoire ou l'histoire, l'ensevelissement
des morts d'un échelon social élevé nous a habitués
au gigantisme ou à l'exceptionnel, qu'il s'agisse de la société
égyptienne ou de la société chrétienne (les
sols des cathédrales sont pavés de pierres tombales : "Ci
git...".
Les sociétés qui se sont succédées dans nos
forêts ont eu aussi ces préoccupations. Les témoins
en sont nombreux et pour une part d'entre eux volumineux.
Les tumulus (ou tumuli, si vous préférez) de Boulogne sont au nombre d'une soixantaine, et dix-neuf dans Chambord. Généralement circulaires, ils ont une taille qui varie de 16 à plus de 45 mètres de diamètre. La forme elliptique est rare ; exemples : 17 m x 23 m, ou 22 m x 30 m, ou encore 30m x 39 m, ce dernier appelé "Butte de La Ferté" par Florance. Certains ont vu leur cercle s'ovaliser sous l'action des labours, dans Boulogne aux fins de sylviculture, dans Chambord aux fins d'une agriculture vigoureuse dans ses pratiques (labours en planches).
La hauteur de ces "monuments" s'est naturellement dégradée au fil du temps. Florance, vers 1910, donne une hauteur de quatre mètres (je crois à quelque exagération) à la Butte de La Ferté (qui n'a pas été labourée), alors que je la vois inférieure à 2 mètres. Aujourd'hui, les plus élevés atteignent ou dépassent 2 mètres, tandis que la moyenne se situe entre 1 m et 1,5 m. Les plus hauts ne sont pas obligatoirement les plus volumineux. Tel, de 1,85 m de hauteur et de 27 m de diamètre amasse 390 mètres cubes de terre, tandis que son voisin, de 1 m de hauteur mais de 45 m de diamètre, triple ce volume.
Ces tumulus sont tous situés dans la moitié
est de Boulogne, et sont soit groupés d'une manière
serrée (30 à 60 m entre les buttes)
ou lâche (100 à 300 m entre elles),
soit isolés. La distance entre implantations n'est jamais supérieure
à 1200 mètres.
Sans tomber dans le piège de la stricte
contemporanéité, ces distances donnent une idée de
la densité des différentes communautés qui les ont
élevés. Certaines montrent ainsi une particulière
vitalité et/ou une durée notable puisqu'elles ont construit
des nécropoles (groupes serrés)
de 4 ou 5, voire 7 éléments (ce dernier cas, dans Boulogne et dans Chambord). Cela prouve aussi que, sous
plus d'un mètre de sédiments, dorment quantité de
villages de ces bâtisseurs.
Par les fouilles réalisées ailleurs, on sait que ces tertres sont des sépultures, édifiées dans nos régions à la fin de l'Age du Bronze ou au Premier âge du Fer (Hallstatt). On ne peut exclure, évidemment, que certains soient plus anciens. (Pour la chronologie, voir www.archeopourtous.org/). Ces fouilles révèlent le rang social du défunt (chef de clan, guerrier, reine) par les objets que le tertre peut contenir (épée, char de guerre, parure). Tous ne sont pas aussi riches. Deux tumulus ont été fouillés dans Boulogne par Julien de Saint-Venant. Ils contenaient un amas de cendres et d'ossements, et pour l'un d'eux, une petite statuette en terre blanche (gallo-romaine) témoigant d'une réutilisation tardive du tertre comme lieu de sépulture.
Des
petits tertres. Les grands tumulus ne sont pas les seuls tertres
présents dans Boulogne. Plus petits, la plupart circulaires, de
5 à 7 mètres de diamètre, de 40 cm à 1 m de
hauteur, ils sont aussi deux fois plus nombreux que les précédents.
On ne les rencontre jamais en groupes serrés. Leur dispersion est
plus régulière. Sept sont disposés autour d'un village
méro-carolingien, de 100 à 300 m de celui-ci, ce qui ne suffit pas pour dire qu'ils ont un rapport avec ce village. Huit autres se répartissent
sur une zone de 25 hectares contenant à deux endroits des traces
d'habitats. D'autres sont à proximité de grands tertres.
D'autres encore sont très isolés (apparemment,
car quantité de vestiges ne sont pas perceptibles en surface).
Ces constats de proximité ne sont porteurs d'aucune information
pour leur datation.
Il faut admettre que leur faible taille les a rendus vulnérables
et que beaucoup ont dû disparaître. Des questions se posent : quelle
époque ? et surtout, quelle fonction ?
La tentation
d'une fonction funéraire s'est révélée coupable, sur un troisième type de monuments
en terre conservé dans Boulogne : des tertres
elliptiques pour la plupart orientés. De taille intermédiaire (en moyenne 10 m de grand axe pour un petit
axe de 6 m), ils couvrent 43 mètres carrés en moyenne, contre
28 pour les circulaires. Sur 21 éléments recensés,
15 ont leur grand axe orienté est-ouest. On en trouve dans tout
Boulogne et aussi dans Chambord (dans la limite
où les terrains ici très bouleversés permettent de
les reconnaître), mais leur densité la plus forte
se situe sur la partie centrale de Boulogne.
Un
sondage a été réalisé
en mars 2004, dans l'un des plus volumineux de ces tertres, avec le concours
du Service Régional de l'Archéologie. Il a consisté
en l'ouverture d'un puits d'un mètre carré de surface au
centre de la butte. Au niveau du sol environnant, il a été
trouvé quelques fragments d'assiette datables du XIXe, et de menus
fragments de charbon de bois. Ce tertre est donc à classer au rang
des constructions liées à l'exploitation de la forêt.
La difficulté de photographier de tels objets -les
feuilles induisent un effet de texture qui gomme les reliefs- m'oblige
à souligner d'un trait les contours et l'épaisseur.